Toutes les hérésies des Unitaires découlent d'une même source: ce sont autant de conséquences nécessaires des principes sur lesquels Socin bâtit toute sa théologie. Ces principes, qui sont aussi ceux des calvinistes, desquels il les emprunta, établissent
1°. que la divinité des Ecritures ne peut être prouvée que par la raison.
2°. Que chacun a droit, & qu'il lui est même expédient de suivre son esprit particulier dans l'interprétation de ces mêmes Ecritures, sans s'arrêter ni à l'autorité de l'Eglise, ni à celle de la tradition.
3°. Que tous les jugemens de l'antiquité, le consentement de tous les peres, les décisions des anciens conciles, ne font aucune preuve de la vérité d'une opinion; d'où il suit qu'on ne doit pas se mettre en peine, si celles qu'on propose en matiere de religion, ont eu ou non des sectateurs dans l'antiquité. Pour peu qu'on veuille réfléchir sur l'énoncé de ces propositions, & sur la nature de l'esprit humain, on reconnoîtra sans peine que des principes semblables sont capables de mener bien loin un esprit malheureusement conséquent, & que ce premier pas une fois fait, on ne peut plus savoir où l'on s'arrêtera.
C'est aussi ce qui est arrivé aux Unitaires, comme la suite de cet article le prouvera invinciblement: on y verra l'usage & l'application qu'ils ont fait de ces principes dans leurs disputes polémiques avec les protestans, & jusqu'où ces principes les ont conduits. Ce sera, je pense, un spectacle assez intéressant pour les lecteurs qui se plaisent à ces sortes de matieres, de voir avec quelle subtilité ces sectaires expliquent en leur faveur les divers passages de l'Ecriture que les catholiques & les protestans leur opposent: avec quel art ils échappent à ceux dont on les presse; avec quelle force ils attaquent à leur tour; avec quelle adresse ils savent, à l'aide d'une dialectique très - fine, compliquer une question simple en apparence, multiplier les difficultés qui l'environnent, découvrir le foible des argumens de leurs adversaires, en retorquer une partie contre eux, & faire évanouir ainsi les distances immenses qui les séparent des orthodoxes: